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La France : Européenne et africaine !

Sclérosée par une histoire dont la lecture, avec le prisme culturel de ce siècle, peut être impitoyable, la relation entre la France et le continent africain est beaucoup plus complexe et riche que ne le font croire la quasi-totalité des « analystes » dont l’expérience se résume trop fréquemment à la répétition de poncifs, dont l’expertise se réduit à une confusion infantile entre opinion et réflexion, et dont l’intérêt obéit à la facilité.


Plus que dans un passé commun, dont les forces et les faiblesses doivent être reconnues, cette relation doit s’ancrer dans les réalités du monde d’aujourd’hui et les évidences d’un futur qui s’impose, aussi et incontestablement, avec une écriture africaine.
La France n’est plus l’interlocuteur quasi-unique et omniprésent d’une partie (francophone) du continent, où elle focalisait ses intérêts en négligeant souvent les autres régions.

Sa « super puissance » ancienne n’existe plus, et l’ombre de celle-ci sert aujourd’hui, soit d’outil démagogique à des contestataires en mal de bouc émissaire, soit de motif de gémissements aux nostalgiques d’une « grandeur » révolue.

Si elle y dispose d’amitiés et d’intérêts partagés réels, la France n’a ni prérogative, ni passe-droits, ni privilège spécifique, qu’ils soient régionaux ou continentaux.
La France, au sein de l’Union Européenne, est toutefois un acteur majeur sur le continent africain où la qualité de son offre partenariale reste réelle et potentiellement considérable. Il faut rappeler qu’elle détient, après le Royaume Uni, le second stock d’IDE (Investissement Directs Etrangers) du continent, que ces mêmes investissements ont doublés depuis 15 ans, que ses échanges commerciaux ont également doublés depuis 2020, tout comme le nombre de filiales d’entreprises hexagonales entre 2010 et 2020, qu’elle représente 9% des échanges de l’Afrique subsaharienne, qu’elle est le premier partenaire (devant l’Espagne et la Chine) du Maghreb, …
Oui, ses parts de marché se sont réduites, et cela fait le quotidien de nos cassandres, mais le volume de ses échanges a largement augmenté. C’est naturel, compte tenu à la fois de l’arrivée massive de nouveaux partenaires, et d’une dynamique remarquable de la croissance des marchés africains.
Il est également nécessaire de rappeler que les Zones Franc (8 pays de l’UEMOA et 6 pays de la CEMAC)) représentent seulement 1% des exportations françaises (loin de ce « pré-carré » imaginé), et les 3 pays sahéliens avec lesquels la France a, conjoncturellement, des difficultés relationnelles moins de 0.2%. Que ses 5 premiers partenaires africains sont le Maroc, l’Algérie, le Nigeria, l’Angola et l’Afrique du Sud.
Tout en reconnaissant l’importance de ses relations avec la zone francophone, en particulier avec ses leaders que sont la Côte d’Ivoire et le Sénégal, la France semble sortir de sa zone de confort, et la qualité de ses relations avec le Nigeria, première économie africaine, en est une expression majeure.
Le passage de positions économiques et commerciales menacées, à une croissance dynamique des échanges de la France (en Europe) avec les pays d’Afrique dépend d’une remise en cause de notre appréhension du continent et de ses acteurs, et d’une nouvelle compétitivité basée sur le pragmatisme et l’innovation (partenariats gagnants/gagnants comprenant les complémentarités, vision à long terme, reconnaissance du rôle essentiel des PME des deux rives, …) bannissant le confort moral de l’aide au profit de l’investissement. Avec ni plus ni moins de détermination et d’humilité que nous n’en avons dans l’approche des autres marchés internationaux.
Avec 18% de la population mondiale (25% en 2050), mais moins de 3% des échanges internationaux, et des besoins gigantesques dont la réalisation dépend d’une mobilisation innovante de moyens financiers disponibles mais hésitants, l’Afrique s’impose comme la « nouvelle frontière » de l’Europe, donc de la France.
Cette dernière dispose de deux atouts majeurs pour être autre qu’un petit pays : son appartenance à l’Union Européenne et sa capacité d’avoir des partenariats profonds et diversifiés avec l’Afrique !

Yves Delafon

Président d’honneur d’Africalink
Administrateur Groupe Banque pour le Commerce et l’Industrie